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Influences françaises sur l’Histoire du Tessin

Mercredi 15 mai la section Pro Ticino de Paris a organisé une nouvelle conférence intitulée « influences françaises sur le Tessin » avec le professeur et député Monsieur Franco Celio.

Voici un résumé des thèmes et les idées principales qui ont été présentés.


Le Tessin a toujours été très lié à la France, du moins depuis le XVIIIe siècle, dit le siècle des Lumières


Le siècle des Lumières (XVIII siècle)

  • Cette période n’a pas eu une influence directe sur le Tessin, mais sur la Lombardie. Milan était la villela plus proche et avait donc le plus d’impact sur la vie intellectuelle du canton. Ainsi l’abbé Giuseppe Parini et les frères Carlo et Pietro Verri, prenant exemple sur les encyclopédies Diderot et D’Alembert publièrent notamment le journal « Il Caffé » imité par Lugano, qui créa le journal intitulé « Nouvelle de différents cours et pays », devenu il y a une vingtaine d’années la « Gazzetta Ticinese ».
  • La République helvétique

La Révolution française a éclaté en 1789 ; les révolutionnaires prirent d’assaut les Tuileries et tous les gardes suisses furent tués au service du roi. En mémoire des gardes suisses, un monument a été érigé en leur honneur à Lucerne (un lion blessé et mourant). A cette époque la Suisse était alors un pays pauvre et beaucoup de ses jeunes s’en allèrent à l’étranger, servant de mercenaires à de nombreux souverains.

La France révolutionnaire, craignant de voir son territoire envahi, a alors décidé de s’étendre. Partout où ils ont réussi à s’établir, les révolutionnaires ont formé des « républiques », organisées sur le modèle français. C’est donc également en Suisse que les troupes françaises ont provoqué en 1797 la chute de l’ancienne Confédération, s’emparant notamment du fabuleux trésor de la ville de Berne.


L’ère napoléonienne

L’organisation centralisée n’a pas été acceptée par les Suisses qui se sont rebellés contre le « nouvel ordre ».

En 1803, Napoléon, souhaitant empêcher le déclenchement d’une guerre civile, intervient alors en imposant l’acte de Médiation (nouvelle constitution pour la Suisse). Il reconnaissait ainsi qu’un pays aussi divers que la Suisse (d’habitude, de langue, de religion, etc.) ne pouvait pas supporter une organisation centralisée.

Les anciens cantons ont pu retrouver leur autonomie, 6 nouveaux cantons ont été créés : les Grisons, Saint-Gall, Argovie, Thurgovie, Vaud et leTessin. C’est Bonaparte qui a surnommé cette région « Tessin » du nom du fleuve principal, de même le choix du drapeau correspondant au drapeau de Paris avec les couleurs inversées.

Naturellement, cette intervention n’était pas motivée uniquement par la bienveillance, mais surtout pour pouvoir disposer des troupes pour des expéditions militaires (en Russie, par exemple) : chaque année, le Tessin était obligé de fournir un contingent d’environ 900 hommes à cette armée.


La Restauration

Les campagnes militaires de Napoléon n’ont pas toujours été couronnées de succès. En 1812, la campagne de Russie s’achève avec la défaite désastreuse de la Bérésina. A cette occasion, les militaires de Blenio, d’Aquila, Leontica et Ponto Valentino ont fait le vœu suivant : s’ils retournaient au pays sains et saufs dans leur pays, ils auraient rendu témoignage publiquement du « miracle ». Aujourd’hui encore, en mémoire de ce vœu, leurs descendants, organisent chaque année une grande manifestation folklorique-religieuse.


Après sa défaite, en 1815, les puissances victorieuses se sont réunies au Congrès de Vienne, où l’on a décidé une nouvelle organisation de l’Europe, sur la base de deux principes :

  • la légitimité, pour laquelle les souverains déplacés par la Révolution, ou du moins leurs descendants, devaient reprendre le pouvoir ;
  • l’équilibre, notamment pour empêcher la France de reprendre une position de force.

C’est donc Charles X qui monta sur le trône français ; au Tessin, comme il n’y avait pas de souverain, un régime autoritaire est instauré, personnifié par le Landamano Quadri.

Quadri était un conservateur autoritaire mais pas obtus. En fait, il a poursuivi son programme de modernisation, notamment avec la construction d’un réseau complexe de routes carrossables (notamment la célèbre Tremola). Il a également encouragé la navigation à vapeur sur le lac Majeur


Stefano Franscini

Le régime de Quadri fut vaincu en 1830 grâce au travail du statisticien Stefano Franscini. Le 4 juillet 1830, à la même époque que les quatre glorieuses de Paris, le régime du « landamano » est effectivement battu au vote populaire et un nouveau gouvernement est mis en place dans lequel Stefano Franscini (1796-1857) joue un rôle de premier plan. Il était une sorte de précurseur de Jules Ferry (1832-1893), ayant réussi, malgré la dure opposition du clergé, à établir l’école publique et laïque dans le canton.


Carlo Cattaneo

Un important collaborateur de Franscini fut Carlo Cattaneo (1801-1869), réfugié politique milanais adepte de l’esprit des Lumières, qui eut l’idée de créer un chemin de fer le long de la ligne San Gottardo (les tunnels hélicoïdaux) et assainit et remit en état la plaine de Magadino. Presque à la même époque (1847), le pont de Melide fut construit sur un projet de Pasquale Lucchini (1798-1892), qui permettait la connexion continue entre le Mendrisiotto et le reste du Canton.


L’émigration tessinoise en France

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’émigration traditionnelle du Tessin en Italie a cessé (à cause de la fermeture des frontières après l’unité nationale). Beaucoup se sont dirigés vers l’Amérique et vers la France, en plein développement industriel et urbain, où ils se sont principalement consacrés aux activités du bâtiment. Cette émigration était surtout importante pour la diffusion des idées anticléricales de la IIIe République sur la politique tessinoise.

Parmi les nombreux émigrés tessinois, il y avait probablement aussi les ancêtres de Léon Gambetta (1838-82), qui semble provenir d’Intragna, dans les Centovalli (la chose est incertaine, car Gambetta n’était pas enclin à parler de ses origines).


Cléricalisme et anticléricalisme

L’anticléricalisme a augmenté en 1905, année où Emile Combes (1835-1921) fit adopter en France la « Loi sur la séparation de l’église et de l’Etat »; loi prise comme exemple pour sa propagande au Tessin, notamment par Emilio Bossi, mieux connu sous le nom de « Milesbo » (1870-1920).

La contrepartie était tenue par Mgr Alfredo Peri-Morosini (1862-1931), qui fut ensuite limogé pour « immoralité », de nature sexuelle. A sa place fut nommé archevêque, Aurelio Bacciarini (1873-1935), expression d’un catholicisme très rigide et sévère, inspiré par le célèbre curé d’Ars, Jean-Marie Viannay (1786-1859).


Fascisme et antifascisme

Immédiatement après la Première Guerre mondiale, la politique internationale a été influencée par le fascisme, qui a pris le pouvoir en Italie en 1922 avec Benito Mussolini. Le gouvernement de Mussolini a produit des travaux d’intérêt public, tel que l’assainissement de l’Agro Pontino, qui nous a encouragés à assainir la plaine de Magadino.

En France également, il existait un régime similaire, incarné par le maréchal Philippe Pétain et Pierre Laval. Des socialistes tels que Jacques Doriot et Marcel Déat ont également rejoint ce régime. En Suisse, le colonel Arthur Fonjallaz fut le plus important apologiste du fascisme. En Suisse romande, on trouve l’avocat François Aubert et le journaliste Georges Oltramare. Au Tessin, le régime fasciste avait aussi ses admirateurs, comme Alberto Rossi, ing. Nino Rezzonico ou l’avocat Fausto Pedrotta.

Mais il y avait aussi des opposants déterminés, tels que le conseiller d’État socialiste Guglielmo Canevascini. Au niveau suisse, le principal adversaire du fascisme était le général Henry Guisan, qui peut être considéré comme le « de Gaulle de la Suisse ».


La protestation des étudiants

Un dernier cas, dans lequel on trouve des parallèles entre l’histoire de la France et celle du Tessin, remonte à 1968. Parallèlement au  » Mai parisien « , des manifestations d’étudiants ont également eu lieu à Locarno.


En revanche, au moins jusqu’à présent, il n’y a pas d’influence des « Gilets jaunes » …